Toute la France s’indigne des méthodes d’espionnage des services secrets, mais la surveillance gagne aussi de plus en plus le domaine privé. Les enfants y sont particulièrement soumis.
Autrefois, on se contentait de leur donner quelques pièces pour pouvoir téléphoner en cas d’urgence, mais aujourd’hui les enfants sont soumis à une surveillance quasi constante dès leur naissance. Le babyphone les écoute pendant leur sommeil, des capteurs contrôlent leurs mouvements dans le berceau, et des caméras permettent de vérifier qu’aucun jouet ne prend feu. La technologie ouvre désormais la voie à un contrôle encore plus poussé. La localisation par satellite était autrefois l’apanage des militaires, mais elle s’insinue dans le quotidien.
Il y a bien longtemps que les GPS ne servent plus uniquement à cibler les bombardements. Désormais, ils permettent aussi de retrouver la trace des animaux de compagnie perdus, des voitures volées, des personnes âgées confuses, et des enfants agités. L’idée est séduisante : les enfants sont laissés à eux-mêmes et les parents n’ont pas envie de s’inquiéter pour autant. Car quand ils veulent savoir où se trouve leur progéniture, il leur suffit de jeter un œil à leur ordinateur ou à leur téléphone. Ils peuvent y découvrir la position actuelle de leurs enfants sur une carte, avec une précision allant jusqu’à cinq mètres. Les rejetons aussi peuvent être actifs : dans les situations d’urgence, un clic leur suffit à déclencher une alarme qui envoie leur position par SMS au numéro de téléphone prévu.
Sécurité ou contrôle
Naturellement, ces différents dispositifs et applications de localisation ne constituent pas de la surveillance – c’est en tout cas ce qu’affirment les fabricants. Il s’agit seulement d’offrir la meilleure sécurité possible à l’enfant. On pense à plusieurs scénarios : l’enfant se perd en forêt ou dans une foule, ou il est enlevé sur le chemin de l’école. Pour les cas de ce type, les fabricants vendent des ensembles spécialement conçus, composés d’un récepteur GPS et d’un logiciel avec fonction de barrière virtuelle. Cela permet de délimiter précisément une zone, par exemple le chemin de l’école. Dès que l’enfant quitte la zone définie, les parents reçoivent un SMS d’alarme avec données de géolocalisation, et ils se mettent en route immédiatement.
Mais les parents curieux ont bien d’autres possibilités à leur disposition pour fouiner : ils peuvent savoir très précisément où leur fiston s’est promené au cours des 31 derniers jours. Les bobards du type « Je ne suis pas allé traîner à la gare » sont démasqués en un clin d’œil. Les programmes de suivi intelligents peuvent même indiquer la vitesse de déplacement de l’enfant surveillé. On peut ainsi déterminer par exemple si l’enfant a emprunté la voiture sans permission ou s’il fait un tour en scooter. Et bien entendu, c’est uniquement pour des raisons de sécurité que certains émetteurs GPS bénéficient de fonctions comme le « contrôle des voix ». Ces fonctions permettent d’écouter à tout moment les conversations grâce au micro intégré.
Le facteur peur
La peur est le moteur qui pousse les parents trop prudents à mettre en œuvre de telles méthodes de surveillance. En dépit de la baisse continue de la criminalité, nombreux sont ceux qui ont le sentiment qu’un pédophile, un meurtrier ou un kidnappeur se cache à chaque coin de rue. La technologie devient le moyen de dominer le sentiment d’insécurité. L’argent ne joue qu’un rôle de second plan. Pour une surveillance permanente, il faut débourser au moins 20 euros par mois.
Les avertissements des pédagogues
C’est aux parents de savoir si une surveillance constante est vraiment bonne pour les enfants, et si elle offre une réelle sécurité ou seulement une impression. Dans tous les cas, la localisation par GPS est loin d’offrir une protection totale. Comme la technologie a ses limites, la localisation n’est pas possible dans les bâtiments. De plus, en cas de transmission permanente de la position, les petites batteries ne tiennent pas longtemps : les mini-émetteurs et les smartphones ne tiennent même pas une journée.
De plus, un enfant peut perdre son émetteur, ou le laisser à dessein à un endroit précis. Et surtout : les enfants peuvent-ils se sentir libres s’ils sont surveillés en permanence ? Il est probable que le désir parental d’un environnement totalement protégé entrave le développement des enfants. La surveillance GPS permanente instille un sentiment de danger inconnu, latent. Il faut aussi se demander si les dispositifs de localisation rassurent réellement les parents ou s’ils renforcent leur inquiétude à force de les laisser vivre dans l’attente permanente d’une alerte.